Fiscalité

Réserves de liquidation : tout ce qui brille n’est pas or

Pieter Van de Sijpe
3 mai 2023
Le régime des réserves de liquidation est souvent mis en œuvre dans la pratique. À première vue, le régime fiscal de ces réserves est, en effet, particulièrement intéressant. Quoique ? Tout ce qui brille n’est pas or.

Le régime en un coup d’œil 

Les petites sociétés ont la possibilité d’affecter le bénéfice de l’exercice (après impôt) à une réserve de liquidation spécifique, moyennant le paiement d’un prélèvement supplémentaire de 10 % au titre d’impôt des sociétés de l’exercice concerné. Cette affectation à la réserve de liquidation peut être avantageuse pour la distribution ultérieure de ces bénéfices sous forme de dividende ou de boni de liquidation.
Si cette réserve est distribuée sous forme de dividende après l’expiration d’un délai de cinq ans, cette distribution sera imposée à un taux réduit de précompte mobilier de 5 %. La charge fiscale totale est alors de 13,64 %, contre un tarif de base de 30 %.
Mieux encore : aucun précompte ultérieur n’est dû si la réserve est distribuée en tant que boni de liquidation lors de la liquidation de la société. Dans ce cas, la charge fiscale totale n’est que de 9,09 %. Une raison suffisante pour expliquer la popularité du régime.

Anguille sous roche

Il y a tout de même anguille sous roche... Le prélèvement de 10 % payé lors de la constitution de la réserve a évidemment un impact sur la liquidité de la société et n’est pas remboursable s’il s’avère par la suite qu’il aurait été préférable de ne pas constituer la réserve de liquidation en raison de circonstances particulières. C’est notamment le cas si, au cours des années suivantes, la société subit des pertes qui anéantissent les réserves de liquidation accumulées, alors qu’elle aurait pu faire meilleur usage du prélèvement de 10 % déjà versé pour payer ses créanciers et éviter la faillite.
Il est également fréquent qu’en cas de cession de société, l’acquéreur crée un holding pour réaliser l’opération. Dans ce cas aussi, les réserves de liquidation ont été créées en vain, car la société holding d’acquisition peut généralement percevoir les dividendes en franchise d’impôt.
Il vaut donc mieux réfléchir à deux fois avant de créer des réserves de liquidation dans des sociétés d’exploitation actives.

Valeur temporelle de l’argent

En raison de la valeur temporelle de l’argent, payer un impôt aujourd’hui est pire que payer un impôt dans le futur. En cas d’inflation normale, cet effet reste relativement limité, mais en cas de forte inflation comme aujourd’hui, l’effet devient de plus en plus visible. La constitution d’une réserve de liquidation n’a de sens que si un paiement de dividendes (ou une liquidation) est effectivement prévu dans un délai raisonnable.
Si la distribution ou la liquidation n’est pas prévue avant 20 ou 30 ans, la constitution d’une réserve de liquidation n’a aucun sens.
Même sur une période de 10 ans, la différence entre une imposition à 30 % (dans les 10 ans) ou un prélèvement de 10 % (aujourd’hui) et de 5 % (dans les 10 ans) se réduit considérablement.
L’exemple ci-dessous se fonde sur un taux d’actualisation de 5 %.

Pas d’actualisation et distribution dans les 10 ans

€ 100.000 de bénéfices Dividende ordinaire Dividende de la réserve de liquidation Boni de liquidation de la réserve de liquidation
Prélèvement anticipé 10% / € 9.090,90 € 9.090,90
Précomte mobilier 30% € 30.000 / /
Précomte mobilier 5% / € 4.545,45 /

Net

€ 70.000 € 86.363,65 € 90.909,10
Impôt total 30 % 13,64 % 9,09%

Taux d’actualisation de 5 % et distribution dans les 10 ans

€ 100.000 de bénéfices Dividende ordinaire Dividende de la réserve de liquidation Boni de liquidation de la réserve de liquidation
Prélèvement anticipé 10% / € 9.090,90 € 9.090,90
Précomte mobilier 30% € 18.417,40 / /
Précomte mobilier 5% / € 2.791,51 /

Net

€ 81.582,60 € 88.117,59 € 90.909,10
Impôt total 18,42 % 11,88 % 9,09%
La différence entre le taux d’imposition (nominal) de 30 % au moment de la distribution et le taux d’imposition (nominal) de 10 % aujourd’hui + 5 % à l’avenir se réduit de 16,36 % à 6,54 % sur 10 ans.
Avec des taux d’actualisation plus élevés ou des rendements plus élevés tirés des impôts épargnés, la différence est encore plus faible. Il n’est, en effet, pas utile de faire aujourd’hui une dépense fiscale si les fonds peuvent être mieux utilisés pour générer du rendement pour l’entreprise.
Actionnaires étrangers
Enfin, la création d’une réserve de liquidation est également préjudiciable aux actionnaires étrangers. Si le pays d’origine de l’actionnaire applique un mécanisme d’imputation pour l’imposition des dividendes dans le pays d’origine, le prélèvement de 10 % ne peut malheureusement pas être affecté à cette fin, car il s’agit d’un prélèvement au titre de l’impôt des sociétés.
En bref, une bonne réflexion
Tout cela montre qu’il vaut mieux ne pas créer une réserve de liquidation à la légère. Le régime semble très avantageux à première vue, mais doit être examiné avec soin. Y a-t-il une chance que l’entreprise soit cédée à court terme ? Les liquidités resteront-elles suffisantes ? Autant de questions importantes pour votre prochaine assemblée générale !
Il vous reste des questions après avoir lu cet article ? N’hésitez pas à contacter un bureau PIA près de chez vous. Nos experts vous aideront volontiers.  

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